Hugo Joncas | Journal de Montréal
Ottawa fait preuve d’« hypocrisie » en autorisant la vente d’équipements aéronautiques québécois aux forces de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, dit le professeur de droit constitutionnel Daniel Turp, qui veut les faire interdire dès que possible.
« Il y a une hypocrisie collective qui fait qu’on tolère ça de nos gouvernements parce que ça créerait des emplois », a dit l’ancien député au micro de Benoît Dutrizac sur QUB radio hier matin.
Daniel Turp réagissait au reportage de notre Bureau d’enquête, qui révèle que l’aéronautique québécoise a vendu pour près d’un milliard de dollars en équipements aux militaires saoudiens, émiratis et à leurs alliés dans la sanglante guerre au Yémen, qui a tué 4500 civils jusqu’ici.
Il souligne l’« incohérence » de ces ventes avec l’arrivée de la jeune réfugiée saoudienne en sol canadien la fin de semaine dernière.
Recours judiciaires
Daniel Turp est déjà en quête d’un moyen de pour empêcher de futures exportations. « Je vais mettre mes étudiants au travail », dit le professeur à l’Université de Montréal, en entrevue avec notre Bureau d’enquête.
La partie est cependant loin d’être gagnée. Daniel Turp tente déjà d’en appeler jusqu’en Cour suprême pour faire annuler les licences d’exportation des blindés ontariens de General Dynamics. Dans le cas des moteurs de Pratt & Whitney et des appareils de Bell Hélicoptères Textron destinés aux flottes de guerre cependant, aucune licence n’est même nécessaire de la part d’Ottawa, puisqu’ils sont conçus comme des équipements civils.
Ils sont ensuite utilisés pour assembler des appareils d’attaque aux États-Unis, lié au Canada par l’Accord sur le partage de la production de défense, un véritable libre-échange de l’armement.
« Il faut que je trouve le moyen de poursuivre les compagnies », dit-il. Daniel Turp observera de près comment évolue une poursuite intentée en Italie contre le fabricant d’une bombe saoudienne ayant tué les six membres d’une famille au Yémen, en octobre 2016.
Il doit aussi intervenir dans les consultations des prochaines semaines sur le projet de loi C-47, qui doit permettre au Canada d’adhérer au Traité des Nations unies sur le commerce des armes. Daniel Turp compte exiger que les pièces et composantes soient incluses dans la liste du matériel à exportation contrôlée, même lorsqu’elles sont vendues aux États-Unis.
Le professeur évoque enfin les « principes directeurs de l’Organisation de développement et de coopération économique » (OCDE), auquel le Canada adhère.
Ils mentionnent notamment qu’une entreprise doit « éviter d’être la cause d’incidences négatives sur les droits de l’homme ou d’y contribuer, et parer à ces incidences lorsqu’elles surviennent ».