Mémoire des Aînés pour la souveraineté aux États généraux

Repris depuis le site de Jacques Fournier, Aînés pour la souveraineté : http://www.chronijacques.qc.ca/2012/10/memoire-des-aines/

Mémoire soumis aux États généraux sur la souveraineté du Québec

par les Aînés pour la souveraineté

présenté à Montréal, le samedi 20 octobre 2012

« Le Québec est une cathédrale, il est long à bâtir »

1. Les Aînés-es pour la souveraineté sont un groupe qui existe depuis près de deux ans et dont les objectifs sont a) de promouvoir la souveraineté du Québec en favorisant les échanges entre les aînés et les aînées du Québec à ce sujet et b) d’appuyer le Conseil de la souveraineté dans la promotion de la souveraineté. Notre groupe est politique mais non partisan. Nous avons actuellement 81 membres. Nous correspondons au moyen d’un groupe Facebook. Nous sommes un réseau davantage qu’une organisation. Nous sommes membres du regroupement large Cap sur l’indépendance qui réunit 23 organismes indépendantistes.

2. Nous sommes des militants. Nous ne sommes pas tellement de la tendance club de l’âge d’or. Nous sommes plutôt dans dans le style des Aînés contre la hausse (des frais de scolarité), aussi appelés Têtes blanches, carrés rouges. Nous sommes de ceux et celles qui ont beaucoup marché au printemps dernier.

3. Nous souscrivons au document d’analyse proposé par les Etats généraux au sujet des divers blocages qui nuisent au développement du Québec. Nous désirons ajouter des éléments de réflexion qui apportent une dimension d’endurance et de persévérance à la question de notre souveraineté comme peuple.

4. Pour nous, un des meilleurs prédicteurs de la position des Québécois concernant la question nationale est celle de l’identification, comme l’a bien montré Jean-François Lisée. On obtient l’indice d’identification en additionnant les « uniquement Québécois » et les « d’abord Québécois » et en l’opposant aux « uniquement Canadiens »  ajoutés aux « d’abord Canadiens ».

En bref, plus les Québécois se définissent comme “Québécois” plutôt que “Canadiens”, plus ils seront nombreux à appuyer la souveraineté lors d’un référendum. En 1980, moins de 40 % des Québécois se disaient “Québécois d’abord” : ils furent 40 % à voter Oui. En 1995, on comptait 50 % de “Québécois d’abord”. Résultat référendaire: 50 %.

Or ce mouvement s’accélère Selon des données publiées dans The Gazette le 28 décembre 2010, l’identité québécoise a atteint, en novembre 2010, un niveau historique de 60 % .

Voici un tableau qui illustre ce phénomène :

 

5.  Le résultat des élections du 4 septembre nous rappelle ces propos du grand écrivain tchèque Milan Kundera dans Les Testaments trahis : “Les petites nations. Ce concept n’est pas quantitatif; il désigne une situation, un destin: les petites nations ne connaissent pas la sensation heureuse d’être là depuis toujours et à jamais; elles sont toutes passées, à tel ou tel moment de leur histoire, par l’antichambre de la mort; toujours confrontées à l’arrogante ignorance des grands, elles voient leur existence perpétuellement menacée ou mise en question; car leur existence est question”.

            D’une élection à l’autre, nous ne savons pas si pourront être mis en place des mécanismes qui favoriseront le maintien, l’épanouissement et l’empowerment (la responsabilisation, l’augmentation de l’autonomie) de notre nation. Comme peuple, nous sommes habitué à être piqué de banderilles par l’histoire et par la géographie, et à toujours nous remettre sur nos pieds, comme un petit taureau tenace et invaincu. Mais tant que les corridas ne seront pas interdites, quelle dépense constante d’énergie !

 

 

6. Le nationalisme au Québec est une composante de notre résilience, de notre faculté à «rebondir», à vaincre des situations traumatiques. Nous sommes un peuple fragile mais nous avons développé des outils pour survivre et nous développer.

Nous sommes capables d’analyser le discours de ceux qui nous regardent de façon hautaine, qui voient dans notre nationalisme quelque chose de petit alors que c’est fondamentalement sain de vouloir être soi-même. Nous avons des valeurs originales mais nous n’aimions pas quand l’ancien gouvernement libéral se « pétait les bretelles » et nous invitait à être « les meilleurs au monde » et à vouloir faire la leçon à la planète entière. Nous dépasser, oui, vouloir à tout prix dépasser les autres, non. Nous sommes, comme peuple, à la recherche d’un équilibre.

Nous avons la chance de travailler à réaliser notre projet toujours neuf ─ et pratiquement inusable ─ de souveraineté. Neuf et inusable parce que sa démarche est toujours renouvelée en fonction de la conjoncture, tandis que sa pertinence demeure intacte, tel un bloc d’airain.

Ce beau projet de souveraineté qui fait que les Québécois et les Québécoises sont autre chose que des petits bouchons de liège ballottés sans but sur des flots incontrôlables. Ce projet de souveraineté qui nous structure, qui nous donne de la cohésion, du sens, qui remplit le vide politique ambiant. Ce projet de souveraineté qui intègre, dynamise et canalise autant des éléments anciens comme la recherche de solidarité et d’égalité sociale, que des courants neufs comme l’altermondialisme et la lutte pour le respect de l’environnement. Le projet de souveraineté et les autres courants novateurs agissent comme des catalyseurs mutuels, décuplant leurs potentiels respectifs de transformation. Plusieurs projets de société pourront être dynamisés par l’accession à la souveraineté et les élections ultérieures sauront arbitrer les nouveaux choix de façon démocratique.

Nous sommes désireux d’oeuvrer, comme d’autres peuples et chacun dans son contexte historique particulier, à la construction d’un foyer national.

Le Québec est une cathédrale. C’est pourquoi il est long à bâtir. Il faut faire en sorte que la lenteur de la gestation de la souveraineté nous angoisse de moins en moins.

Le professeur de philosophie Michel Seymour, ancien président des Intellectuels pour la souveraineté, disait, dans la revue l’Action nationale d’octobre 2012 : « Les grands projets s’inscrivent dans une trame politique lente ».

Les gens d’affaires, du moins plusieurs d’entre eux, sont aujourd’hui à la recherche de profits immédiats et rapides. Chaque décision est dictée par le désir de rendements hâtifs, peu importent les dommages à l’environnement, la négation du développement durable, les pertes d’emplois. Éthiquement, on se doit d’être à contre-courant de cette mentalité, génératrice de surconsommation, de mise en place d’une société du tout-jetable. L’action à long terme doit prendre plus d’importance, les décisions dictées par le court terme causent trop de dommages.

De même, on ne naît pas citoyen, on le devient.

Oui, la souveraineté est un projet urgent mais bienvenue à celles et ceux qui veulent prendre le temps de faire « de la belle ouvrage » et qui veulent laisser quelque chose de durable à leurs enfants, à leurs petits-enfants (après tout, nous sommes un groupe d’aînés) et à tous les enfants du monde.

Jacques Fournier

pour les Aînés pour la souveraineté