Montréal, 2 septembre 2015 – Le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) et ancien ministre péquiste, François Legault, a annoncé cette semaine qu’il renoncera désormais à sa politique de renonciation au débat sur la question nationale. Lancée en même temps que la CAQ en 2011, cette politique dont on disait qu’elle durerait dix ans, période pendant laquelle on consentirait sagement à notre domestication provinciale, vantait pour ainsi dire les vertus de «l’abstinence» constitutionnelle. Concrètement, cette orientation s’est traduite jusqu’ici par une posture essentiellement passive et stérile face à ces enjeux pourtant centraux de notre démocratie.
Sous prétexte que plus personne (sic) ne voulait entendre parler d’affaires constitutionnelles et que tout autre sujet de discussion valait mieux, et peut-être aussi dans l’espoir de séduire une partie de l’électorat fédéraliste ou anglophone, monsieur Legault espérait qu’en occultant la question de l’avenir et du statut politique du Québec, il parviendrait à obtenir d’importants gains électoraux pour son parti. Or, l’échec de cette stratégie s’est révélé retentissant, la CAQ demeurant incapable de remporter ne serait-ce qu’une seule circonscription sur l’Ile de Montréal, ne lui laissant guère d’autre choix que de se tourner vers le vote francophone en régions.
Par ailleurs, compte tenu de l’arrivée de Pierre Karl Péladeau, «qui change la donne» dans le paysage politique québécois, le député de l’Assomption a donc décidé de se raviser, lui qui projette à présent de réformer la constitution canadienne, jusqu’à tenir un référendum s’il le faut! Incertain du qualificatif à employer pour désigner ce nouveau mantra, «autonomiste»?, «nationaliste»?, celui qui a déjà affirmé qu’il voterait NON à un éventuel référendum sur l’indépendance, entend ainsi se positionner «sur la clôture» entre le statu quo de Philippe Couillard et le «pays imaginaire» du PQ… (Aïe.)
Contradictions
Faut-il retenir qu’au fond, le discours de diversion thématique martelé inlassablement par Legault ces dernières années n’était que pure fourberie? A-t-on voulu nous mystifier en tentant de nous convaincre que les problèmes constitutionnels sont d’ordre secondaire dans la vie d’un peuple, qu’il faut plutôt s’attaquer aux «vraies affaires»? Le comportement contradictoire de François Legault, qui hier encore, dénonçait les «vieilles chicanes» sur la place du Québec dans le Canada mais qui demain, en suscitera volontiers de nouvelles, nous force à conclure en ce sens.
Comment expliquer que pour la CAQ version 2011, les enjeux technocratiques concernant les finances et le «ménage» de la fonction publique, entre autres, devaient nécessairement supplanter la question nationale, alors qu’en 2015, cette dernière revêt tout à coup un intérêt renouvelé? N’est-ce pas curieux d’entendre François Legault dire qu’il veut «retourner aux sources» (de quelles sources parle-t-on exactement?), alors que le Canada vient d’entrer en récession et que le Québec subit d’importantes difficultés aux plans de l’emploi, du développement économique, des régions, de la santé ou de l’éducation? Bref, considérant que ces soi-disant «vraies affaires» ne se portent clairement pas mieux qu’il y a quatre ans, quel sens donner à ce soudain changement de cap à la CAQ? Après tout ce temps, les caquistes auraient-ils enfin découvert (Eureka!) qu’il était possible de marcher et de mâcher de la gomme en même temps?
La Coalition pour l’avenir de la Coalition pour l’avenir du Québec
Je crois plutôt que la Coalition dite «pour l’avenir du Québec» se préoccupe davantage de son propre avenir électoral… En bon politicien opportuniste, François Legault navigue de toute évidence à courte vue, se laissant dériver au gré des sondages et des remous médiatiques, testant slogans et phrases creuses selon la méthode de l’essai-erreur, à défaut d’avoir une véritable vision ou un plan structurant «pour l’avenir du Québec». Il voudrait bien nous embarquer dans son bateau, mais peine lamentablement à nous indiquer de façon claire la position où il se situe et la destination à atteindre.
Certes, un peu d’aplomb lorsqu’il s’agit d’aborder le sort que nous réserve le Canada, du moins en paroles, cela ne saurait faire de tort. C’est déjà mieux en tout cas que la mièvrerie et le larbinisme auxquels on nous a habitués. En revanche, la CAQ ne saurait ignorer que la constitution est cadenassée, et qu’il y a longtemps qu’on a jeté la clé de ce cadenas, quelque part au fond d’un des trois vastes océans qui bordent le sous-continent canadien.
Le chef caquiste n’a-t-il pas réalisé que nous sommes dans une impasse? La vérité, c’est que la constitution canadienne n’est pas réformable. Parmi les politiciens fédéralistes à Ottawa, il ne s’en trouve aucun pour crier d’enthousiasme à l’idée de rouvrir la constitution afin d’accommoder ce qu’il reste du Québec moderne. Depuis le Rapatriement unilatéral de 1982, Brian Mulroney, malheureusement pour lui, fut le premier et le dernier à oser saisir au vol cette patate chaude, avec les piètres résultats qu’on connaît… Meech, Charlottetown, ça vous rappelle quelque chose?
On se donne le go pour l’indépendance!
L’indépendance nationale reste la seule solution envisageable pour quiconque songe sérieusement à faire progresser le Québec. La position «autonomiste», qui ne veut à peu près rien dire dans le contexte constitutionnel actuel, est intenable.
Tôt ou tard, monsieur Legault n’aura guère le choix de dire à quelle enseigne il loge. Que fera-t-il lorsqu’Ottawa lui opposera une fin de non-recevoir? Comment entend-il installer le Québec en position de force par rapport au Canada anglais, dans la mesure où il se priverait d’entrée de jeu de tout recours même hypothétique à la rupture, à l’indépendance? Se contentera-t-il au mieux de miettes qui, au final, nous laisseront tous sur notre faim? Il me semble qu’on peut faire davantage «pour l’avenir du Québec».
Le «pays imaginaire» dont il est question dans les interventions de monsieur Legault n’est décidément pas le Québec souverain des «Caribous» ou de monsieur Péladeau, mais bien le nouveau Canada rêvé par la CAQ. Et ce «nouveau nationalisme» qu’il nous sort de son chapeau, n’a certes de nouveau que le nom, si ce n’est également le nouvel échec qu’il laisse déjà présager.
Maxime Laporte, avocat