Texte collectif * | Le Devoir
Comme démocrates, nous sentons l’obligation de protester vivement auprès du gouvernement de Mariano Rajoy. Après avoir déployé, en 2010, l’arsenal du Tribunal constitutionnel pour faire échec à une entente qui conférait davantage d’autonomie à la Catalogne au sein de l’Espagne, ce gouvernement s’emploie maintenant à bloquer la voie des urnes au peuple catalan. Par-delà le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes reconnu dans la Charte des Nations unies, c’est la démocratie elle-même qui est aujourd’hui pilonnée.
C’est intolérable. Intolérable de détourner la tête et de laisser à son sort le peuple catalan, auquel on nie aux yeux du monde entier le droit de voter et de se prononcer sur son avenir politique. Intolérable aussi de voir un pays comme l’Espagne, qui se réclame de la démocratie, menacer de poursuivre, voire de faire emprisonner, des maires et des membres du gouvernement catalan au seul motif qu’ils organisent ou collaborent à l’organisation d’un référendum. La prison contre les urnes est un cocktail toxique en démocratie.
L’Espagne se cache derrière la décision du Tribunal constitutionnel, qui prétend aujourd’hui que le référendum réclamé avec force par le peuple catalan et décidé par son Parlement est illégal, alors que c’est le gouvernement espagnol qui a lui-même sollicité cet avis. Nous tenons à rappeler au gouvernement Rajoy que la tenue d’un référendum est d’abord une décision politique dont il aurait parfaitement pu convenir avec la Generalitat catalane, comme cela s’est fait dans des circonstances similaires en 2014 entre le Royaume-Uni et l’Écosse. Il n’y a pas d’avenir à tenter d’interdire à un peuple le droit de s’exprimer sur son statut politique.
Exprimer notre solidarité
Le peuple catalan mène une bataille exemplaire pour faire valoir ce « droit de décider » qui l’a maintes fois amené à prendre pacifiquement la rue. Il n’est pas seul dans cette lutte. Les Québécoises et les Québécois ont réussi à voter à deux reprises sur leur avenir politique, en 1980 et en 1995, et ce, malgré l’arsenal déployé par le gouvernement fédéral : viol des règles de participation référendaire, demande à la Cour suprême de se prononcer sur le droit du Québec à la sécession, adoption de la Loi sur la clarté, puis, encore récemment, contestation de la loi 99 votée par l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, c’est au peuple québécois d’être solidaire envers la population catalane quant à son droit légitime de se prononcer démocratiquement sur son statut politique.
Nous insistons auprès du gouvernement espagnol pour qu’il cesse d’ajouter au gâchis dont tous, y compris l’Espagne, paieront le prix. Son intransigeance et ses dérives autoritaires ont déjà desservi sa cause, alors que nombre de Catalans ont désormais quitté le nationalisme autonomiste qu’ils pratiquaient historiquement pour embrasser la cause de l’indépendance. Il doit mettre un terme à l’escalade en renonçant immédiatement aux manières fortes, aux manoeuvres antidémocratiques et à la menace de retirer à la Catalogne le statut dont elle jouit actuellement.
Le gouvernement de M. Rajoy a largement dépassé la mesure, non seulement en cherchant à confisquer le matériel électoral, mais en allant même jusqu’à saisir les tracts du camp du oui. S’en prendre ainsi à la liberté d’expression, c’est dévitaliser et dénaturer la démocratie.
Enfin, le climat de menaces et d’intimidation qui règne actuellement en Catalogne est malsain et déshonore l’Espagne et les efforts de la communauté internationale pour faire reposer le fonctionnement de nos institutions politiques sur des valeurs de démocratie, de paix et de respect du droit des peuples.
S’il appartient au peuple catalan de décider seul et en toute liberté de son avenir politique, nous devons, devant tant d’exactions, être plusieurs à lui exprimer notre solidarité et à nous porter à la défense de la démocratie.
* Ont signé ce texte :
Stéphane Bergeron, porte-parole de l’opposition officielle en matière de relations internationales et député de Verchères ;
Jason Brochu-Valcourt, vice-président des OUI Québec ;
Serge Cadieux, secrétaire général de la FTQ ;
Claudette Carbonneau, présidente des OUI Québec ;
Véronique De Sève, vice-présidente de la CSN ;
Martine Desjardins, Mouvement national des Québécoises et Québécois ;
Robert Laplante, directeur de L’Action nationale ;
Maxime Laporte, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et du Réseau Cap sur l’indépendance ;
Gabrielle Lemieux, présidente du Parti québécois ;
Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire et députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques ;
Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire et député de Gouin ;
Martine Ouellet, chef du Bloc québécois et députée de Vachon ;
Danic Parenteau, professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean ; Sol Zanetti, chef d’Option nationale